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Clinique infirmièrepar le collectif Hélianthe

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Nous sommes huit infirmiers spécialistes cliniques, avec des modes d'exercices et des disciplines différents, mais réunis par une même vision du soin et une même volonté: valoriser la clinique infirmière.

Je ressens donc je suis

30/01/2021

Je ressens donc je suis

Afin d'éclairer la situation clinique décrite dans un premier article, Tatiana Allègre nous propose d'approfondir le concept d'émotion.

Pour faire suite à la situation clinique décrite dans mon premier article sur la découverte de l’hypnose pour Marie, atteinte de TCA (Troubles du Comportement Alimentaire), je vous propose de découvrir et de comprendre le concept d’émotion.


En effet, l’exercice réalisé avec Marie a provoqué chez elle une explosion d’émotions. Depuis que je pratique l’hypnose, c’est la première fois qu’une patiente me décrit de telles sensations dans son corps, d’où l’intérêt de cette recherche.
Avant de vous décrire plus largement la fonction propre de l’émotion, il est important de rappeler le contexte de cette situation : Marie est atteinte d’anorexie mentale et ce qui est propre à cette pathologie, c’est que les patients sont en grandes difficultés émotionnelles. Dans le cas de Marie, le mécanisme de défense qu’elle a mis en place pour se protéger de ses propres émotions est l’hyperactivité intellectuelle qui lui permet d’accéder à une sorte d’anesthésie émotionnelle.


Cette expérience de soins a éveillé ma curiosité sur les émotions en général et surtout le rôle de celles-ci sur la construction de l’individu. Comment, en tant que soignante, je peux me servir de leurs émotions pour leur proposer un meilleur accompagnement ?


Je me suis donc intéressé à ce concept pour lequel j’ai trouvé plusieurs définitions qui en révèlent toute sa complexité. Dans le dictionnaire médical Manuila, l’émotion est définie comme une « réaction affective vive, accompagnée de manifestations neuro végétatives, déclenchée par une situation troublante, agréable ou désagréable ». Selon F. Lelord et C. André « l’émotion est une réaction soudaine de tout notre organisme, avec des composantes physiologiques (corps), cognitives (esprit) et comportementales (actions) » (1). De ces deux définitions se dessine une intrication du corps et de l’esprit qui laisse transparaitre une prise en charge globale afin d’être le plus efficace possible.


Il est répertorié six émotions de base dites « fondamentales », les autres étant définies comme secondaires : La peur, la colère, la joie, la tristesse, la surprise et le dégoût. F. Lelord et C. André expliquent dans leur ouvrage que « pour mériter le titre de fondamentale, une émotion doit répondre à différents critères » comme :

    • Débuter soudainement
    • Durer peu
    • Se distinguer des autres émotions
    • Apparaitre chez le bébé
    • Agiter le corps à sa manière


Plusieurs théoriciens ont émis chacun des hypothèses différentes selon leur courant de pensées ce qui montre bien le phénomène complexe qu’est une émotion. Mais ce qui ressort de façon indéniable c’est que l’on observe trois temps distincts : la charge, la tension et la décharge. Ces phases sont une réponse physiologique du corps comme l’explique C. Argod, psychologue : « l’émotion est une réponse spontanée de notre corps lorsqu’il y a un décalage entre un état intérieur et un évènement extérieur » (2). Il est de ce fait judicieux de penser que l’émotion a pour fonction de transmettre une information sur les besoins de la personne. Elle est à la fois informative pour la personne qui la ressent autant que pour la personne qui la constate. C’est donc un moyen de communication et d’échange entre deux individus, même s’il est très largement prouvé qu’il est scabreux de décoder les émotions de l’autre, chacun ayant sa façon personnelle de s’exprimer à la fois verbalement et non verbalement.² Une autre fonction majeure de l’émotion est la protection : en effet, celle-ci va nous donner des informations sur le besoin du moment afin de nous protéger et de nous préparer à l’action. La peur peut nous permettre de fuir un danger par exemple, comme un signal d’alerte. Ainsi, les émotions influencent nos réactions, nos décisions et par le fait nos actions qui en découlent.


Alors, quel peut être l’intérêt d’une meilleure connaissance de ce concept pour les soignants ?


Dans un article paru dans la revue Soins, Florence Michon, cadre de santé, décrit très justement l’importance pour le soignant d’avoir une bonne connaissance de soi afin de permettre l’interaction avec le patient. « Le soignant, pour prendre soin de l’autre, doit accepter que ces émotions fassent partie intégrante de sa personnalité et doit les légitimer. Il fait alors preuve d’intelligence émotionnelle en reconnaissant lui-même ses propres émotions et en les maitrisant »(3). Accueillir puis reformuler les émotions du patient est un véritable outil de communication pour le soignant. En effet l’émotion contribue à transmettre une information sur les besoins de la personne. En lui indiquant que l’on a reçu et compris ce qu’il ressent, on lui confirme l’identification de ses besoins. A l’inverse, le patient reçoit également nos émotions, qu’elles soient bienveillantes ou plus hostiles, dépeintes par notre communication non verbale. En effet, il est impossible de cacher un regard fuyant, une voix tremblante, une posture timide ou encore des gestes impatients. C’est le premier mode de communication que nous utilisons et il est en grande partie involontaire et inconscient. C’est pourquoi il est important de le connaitre et d’en prendre conscience.


 L’efficience de cet échange dépendra de la compréhension du soignant de ses propres émotions dans le but de lui permettre de mieux comprendre et agir sur celles du patient. M. Phaneuf, infirmière PhD, le décrit très justement dans un article intitulé « Les intelligences émotionnelle et sociale des outils pour la relation » : « Pour développer une approche responsable, la soignante doit chercher à saisir la signification de la situation dans laquelle elle est impliquée, analyser non seulement les réactions du malade, mais aussi les siennes, afin d’orienter son jugement et son comportement afin d’en tirer le meilleur parti possible dans l’intérêt du malade » (4). Elle parle d’intelligence émotionnelle, indispensable pour atteindre l’attention et la compréhension durant la relation, et permet ainsi l’humanisation des soins. Nous connaitre c’est aussi nous permettre une remise en question afin d’améliorer nos comportements, nos échanges, et « devenir des personnes plus accomplies et de meilleurs soignants ». Ce qui nous rappelle une notion très largement étudiée dans le milieu soignant qui est l’empathie : « cette capacité à se mettre à la place de l’autre et à ressentir ses sentiments et ses émotions » (5). Elle nous permet ainsi de créer le lien en nous donnant la possibilité de ressentir l’émotion de l’autre. C’est grâce à ses propres émotions que le soignant peut comprendre et agir sur celles du patient. Ce qui nous permet d’affirmer que la communication est un acte de soin.


Pendant longtemps, il n’était pas socialement correct de montrer ses émotions. Pourtant, de nos jours, l’accent est mis sur le bien-être, l’authenticité, l’estime de soi. On développe les formations en développement personnel qui favorisent l’écoute et l’accroissement de l’intelligence émotionnelle : s’autoriser à ressentir pour une meilleure relation à l’autre.

 

Sources:

 (1) « La force des émotions » F. Lelord – C. André, Ed Odile Jacob, 2019

 (2) « Comprendre les émotions pour mieux les appréhender » C. Argod, revue Métiers de la petite enfance, 2019

 (3) « Les relations interpersonnelles avec la personne soignée et la notion de juste distance »F. Michon, revue Soins, 2013

 (4) « Les intelligences émotionnelle et sociale des outils pour la relation » M. Phaneuf, Infiressources, 2010

 (5) « Dictionnaire de la réadaptation » Bloin – Bergeron, 1995

 

Tatiana ALLEGRE

Infirmière Spécialiste Clinique