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Clinique infirmièrepar le collectif Hélianthe

Promouvoir la pensée infirmière

Bienvenue sur le site du collectif Hélianthe. C'est un site destiné à tous ceux s’intéressant aux soins infirmiers. Notre objectif est de valoriser les sciences infirmières mais surtout de l'articuler avec notre pratique clinique quotidienne, les rendant plus concrètes. Une théorie de soins ou l'utilisation de concepts ne sont pas là pour complexifier et scientifiser inutilement notre profession. Cela apporte un éclairage nouveau sur une situation, enrichit notre réflexion et nos échanges, nous ancre dans une vision de la santé, de la personne et de son environnement ainsi que des soins infirmiers.

 

Nous sommes huit infirmiers spécialistes cliniques, avec des modes d'exercices et des disciplines différents, mais réunis par une même vision du soin et une même volonté: valoriser la clinique infirmière.

Cap ou pas cap ?

23/10/2022

Cap ou pas cap ?

Les nouvelles technologies bouleversent le traitement du diabète de type 1. Nous pouvons être tentés de les proposer en priorité aux patients les plus à l'aise dans leur manipulation. Mais des soins infirmiers fondés sur les forces nous obligent à considérer toutes les ressources des patients et à porter un autre regard sur les situations cliniques. Diane Bargain nous raconte le cheminement d'une patiente et de l'équipe soignante vers la mise en place d'une insulinothérapie en boucle fermée.

Mme N, 57 ans, est atteinte d’un diabète de type 1 depuis 17 ans. Le diabète est instable, les hypoglycémies succèdent aux hyperglycémies. Elle est porteuse d’une pompe à insuline depuis quelques années. 


Elle vient toujours en consultation avec son mari, qui participe activement à la gestion de la maladie. Elle le consulte souvent dans les décisions qu’elle doit prendre. Leur complicité est évidente lors de nos entretiens. Le diabète de type 1 est une maladie complexe, les apprentissages sont difficiles, certaines conduites à tenir essentielles ne sont pas maitrisées. Ses intuitions sont souvent justes mais Mme N manque de confiance en elle et panique rapidement quand des décisions sont à prendre. 


Nous nous voyons régulièrement, une relation de confiance s’établit rapidement. Mme N n’hésite pas à m’appeler quand une situation est difficile pour elle et son mari (hyperglycémies inexpliquées à répétition, départ en vacances). Ses appels téléphoniques sont toujours pertinents, ses raisonnements ne sont pas toujours aboutis mais nous arrivons toujours à faire face aux différentes situations avec son mari que j’entends derrière elle, participant à la conversation grâce au haut-parleur. 


En 2022 arrive une révolution dans le monde du diabète : le pancréas artificiel ou insulinothérapie automatisée, dite en « boucle fermée ». Il s’agit de la pompe à insuline qui communique avec un capteur de glycémie et qui régule l’administration d’insuline automatiquement en dehors des repas en fonction du taux de glucose détecté. Il existe des modèles qui embarquent des algorithmes auto apprenants. Ces systèmes améliorent les résultats métaboliques mais améliorent surtout la qualité de vie des patients et la qualité du sommeil, privés des hypoglycémies nocturnes. Leur utilisation nécessite un apprentissage car cela implique un vrai bouleversement dans les habitudes intégrés à la vie des patients. Il faut agir différemment que ce qu’ils font au quotidien depuis tant d’années ! Paradoxalement, c’est le lâcher prise que demande ces systèmes qui est le plus difficile à vivre. En effet, les interventions des patients peuvent mettre en échec l’algorithme. 
Mme N est éligible à cette nouvelle technologie. Elle est épuisée par la variabilité des glycémies, épuisée de la gestion heure par heure de sa glycémie. Malgré ses efforts de chaque instants, ses résultats glycémiques sont mauvais, toutefois elle n’a pas de complications associées à la maladie. Je lui présente les différents systèmes existants. Même si elle est effrayée par les nouvelles connaissances à acquérir, elle est intéressée par les promesses de cette nouvelle technologie. Au sein de l’équipe, nous nous interrogeons sur la pertinence de proposer une boucle fermée à Mme N, déjà dépassée parfois par une simple pompe à insuline. Interrogée, l’infirmière prestataire de la pompe à insuline intervenant à domicile s’y oppose : « elle ne comprend rien ! ». La diététicienne avait déjà essayé d’initier Mme N au comptage des glucides (indispensable à l’utilisation de la boucle fermée) mais cela s’était révélé infructueux. 
L’approche de soins fondée sur les forces (ASFF) pensée par Gottlieb (1) est une théorie de soins ancrée dans le paradigme de la transformation. Les forces d’une personne ou d’une famille sont les qualités spéciales et uniques qui déterminent ce qu’elle peut accomplir et ce qu’elle peut devenir. On entend par perspectives des forces une orientation des soins ou un prisme par lequel les infirmières décident de regarder les patients et leur famille. Elle reflète les valeurs des infirmières et les guide dans leur pratique. Les infirmières recherchent les forces particulières et tablent sur elles pour créer avec le patient et sa famille un plan de soins. Dans la pratique, l’ASFF mobilise les forces existantes de la personne et de la famille et les aide à en acquérir de nouvelles pour pouvoir composer avec les problèmes et les faiblesses et pour promouvoir le rétablissement. 


Les infirmières doivent donc se poser les questions suivantes et les poser au patient et à sa famille :
-    Qu’est-ce qui marche ou fonctionne ?
-    Quels sont les facteurs qui jouent en leur faveur ?
-    Quels sont les buts qu’ils poursuivent ?
-    Quel sont mes propres buts concernant cette personne ?
-    Qu’aimeraient-elles voir leur arriver ? 
-    Qu’aimerais-je qui leur arrive ? 
Une fois qu’elle a répondu à ces questions, l’infirmière doit se demander : « Quelles sont les forces dont la personne a besoin pour atteindre ses buts ? »


Mme N est motivée, investie dans ses apprentissages. Son mari est un véritable pilier sur lequel elle peut compter. Il s’intéresse et participe aux consultations comme s’il était lui-même atteint de diabète. C’est leur diabète. A eux deux, ils arrivent à prendre des décisions adaptées. S’ils ne trouvent pas la solution, ils savent se tourner vers d’autres acteurs (prestataire, infirmière, médecin) qu’ils contactent par les moyens adaptés (téléphone, mail). Ils connaissent donc leurs ressources et les mobilisent efficacement. Ils sont équipés d’un ordinateur connecté à Internet, ils savent utiliser l’informatique (essentiel pour lire les données du capteur de glycémie). Porteuse d’une pompe à insuline depuis des années, sa manipulation est acquise et elle arrive à mettre en œuvre les raisonnements nécessaires même si la mise en œuvre est difficile. Enfin, Mme N souhaite bénéficier de ce système, fatiguée des hypoglycémies sévères qu’elle fait régulièrement, surtout la nuit. 
Nous décidons donc de nous lancer ! Nous programmons des journées d’hospitalisation de jour pour consolider certaines compétences pré requises. Dans l’ASFF, le mot apprentissage est utilisé plutôt que qu’enseignement ou éducation. Pour apprendre, l’apprenant doit participer activement au processus, alors que pour se soumettre à l’enseignement la personne peut adopter une attitude plus passive. L’apprentissage est une question de temps et de moment. Mme N arrive à la première journée en ayant rempli un journal alimentaire chez elle, ce qui nous permet de déterminer les futurs réglages de la pompe. Cela prouve son implication quotidienne dans l’objectif de la boucle fermée. Je profite de mes entretiens pour renforcer la confiance de Mme N  dans ses habiletés et ses compétences. Toute l’équipe adopte une attitude gagnante et positive qui porte Mme N. Nous simplifions le comptage des glucides en adoptant un comptage semi quantitatif (petit repas, moyen repas et grand repas) et en paramétrant des repas récurrents. 


Une fois les objectifs intermédiaires atteints, nous organisons l’hospitalisation pour la mise en place de la boucle fermée. Mme N, appliquée et toujours investie, apprivoise le système. L’algorithme connait certaines difficultés de régulation au début, devant la variabilité importante des glycémies, ce qui perturbe l’équipe soignante encore non experte des systèmes. Même équipée du système automatisé, les hyperglycémies et les hypoglycémies perdurent dans une moindre mesure. Mme N reste positive et enthousiaste malgré cela. Les jours passent, la capacité d’auto apprentissage de l’algorithme embarqué améliore les résultats. Mme N rentre chez elle avec son mari. Des suivis téléphoniques réguliers sont organisés. 


Instinctivement, nous n’aurions pas proposé un système aussi complexe à Mme N, mais nous avons pu nous mobiliser pour cheminer avec Mme N vers un objectif commun, renforçant les apprentissages et en les adaptant aux ressources de la patiente. Notre attitude positive a été une nouvelle ressource sur laquelle elle s’est appuyée pour développer sa confiance. Elle nous a étonné et surpris tout au long du processus, nous démontrant des forces que nous ne soupçonnions pas. 

 

Diane BARGAIN

 

Sources:

Gottlieb, L. N. (2014). Les soins infirmiers fondés sur les forces (Pearson).